Les enfants passent du temps devant les écrans et notamment devant les jeux vidéo. Qu’elles peuvent être les conséquences sur la vue ? Cette exposition peut-elle provoquer des troubles et si oui, lesquels ? Et surtout comment s’en protéger ?
PédaGoJeux a souhaité faire le point sur ces questions en donnant la parole à Thomas Morato, orthoptiste, un spécialiste de la vision fonctionnelle qui prodigue également ses conseils.
Qu’est-ce qu’un orthoptiste ?
L’orthoptiste est un professionnel de santé, qui travaille en étroite collaboration avec les ophtalmologistes et les opticiens, ainsi qu’avec les autres professionnels de santé (médecins et paramédicaux). À la différence de l’ophtalmologiste (un médecin qui diagnostique et soigne les pathologies de l’œil) et de l’opticien (en charge des équipements optiques, du conseil et de la vente de lunettes) ; l’orthoptiste est le spécialiste de la vision fonctionnelle, c’est à dire de la manière dont on utilise nos yeux. Il a pour vocation le dépistage, la rééducation, l’exploration et la réadaptation des troubles de la vision. Sa fonction s’étend du nourrisson à la personne âgée.
Vous pouvez rencontrer un orthoptiste :
- dans un cabinet d’ophtalmologie, où il travaille le plus souvent en salariat et où il vous fera des examens complémentaires à votre consultation ophtalmologique ;
- dans un cabinet en libéral, où il exerce seul ou en pluridisciplinarité. Son activité est ici plus orientée vers de la rééducation. Il exerce alors sur prescription médicale où, après la réalisation d’un bilan, il pose un diagnostic orthoptique et propose, s’il y a lieu, une rééducation orthoptique ;
- dans des centres ou services spécialisés de rééducation ou de réadaptation ainsi que dans des structures de santé où sont réalisés des dépistages.
Les jeux vidéo peuvent-ils provoquer des troubles de la vue ? Dans l’affirmative pourquoi et comment s’en protéger ?
Lorsque l’on joue à des jeux vidéo, on est le plus souvent en vision de près ou en vision intermédiaire. On sollicite donc simultanément un mécanisme d’accommodation et de convergence des deux yeux vers un point précis. Cette « gymnastique oculaire » peut chez certaines personnes, car nous avons tous des caractéristiques physiologiques qui nous sont propres, provoquer des troubles visuels : fatigue visuelle, maux de tête, sensations de picotements et de brulures oculaires, vision trouble intermittente… L’exposition prolongée aux écrans entraîne donc un effort visuel qui sera d’autant moins bien supporté que le système visuel est « fragile » (lunettes non portées, vision binoculaire déficiente…). La meilleure manière de se protéger est donc de limiter le temps consécutif passé devant un jeu vidéo ou au minimum de faire des pauses régulières.
Par ailleurs, de récentes études montrent que l’exposition aux écrans actuels et à une certaine lumière bleue, favorise les maladies ophtalmologiques liées à l’âge. En clair, plus on est exposé aux écrans dans sa vie, plus on risque de développer plus tard une maladie ophtalmologique de type DMLA ; et, connaissant la place des écrans dans notre quotidien, autant ne pas commencer tôt. Enfin, la luminosité bleue des écrans LED (consoles, téléphones, tablettes, ordinateurs) « excite » la rétine et ne favorise pas le sommeil. Il faut donc éviter l’exposition aux écrans avant de se coucher.
Qu’en est-il plus particulièrement de l’enfant ?
L’exposition aux jeux vidéo peut être plus problématique chez les enfants : en effet, la fonction visuelle se développe de manière importante jusqu’à l’âge de 5 ans. Cela signifie que, si un effort trop important est demandé aux yeux de l’enfant pendant cette période-là, leur développement pourrait en être altéré et les conséquences pourraient être plus graves (myopie, strabisme, amblyopie…). Une règle simple à respecter est celle des 3-6-9-12 du psychiatre et psychanalyste Serge TISSERON et relayée par l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire – Retrouvez la campagne 3-6-9-12
Enfin, il est bon de rappeler qu’une trop grande exposition aux écrans peut favoriser l’obésité et les retards de développement moteurs chez l’enfant.
Utilisez-vous le jeu vidéo en rééducation ou conseillez-vous à vos patients de les utiliser ?
Nous utilisons en effet certains jeux en rééducation notamment en neurovision – un domaine qui s’intéresse au rôle de la vision et des mouvements oculaires dans les apprentissages scolaires chez l’enfant ou dans les troubles neurologiques chez l’adulte. Les jeux, quand ils sont bien conçus, peuvent être de bons compléments pour nos séances (surtout chez l’enfant) mais ne remplacent pas une séance de rééducation. Certains jeux sont en effet utilisés pour exercer une fonction visuelle précise chez une personne qui présente un déficit visuel identifié. Il faut cependant faire attention aux jeux qui s’auto-définissent comme « rééducateurs » ou « curatifs » et qui, selon mon expérience, ne servent souvent à rien mais peuvent dissuader les personnes de consulter un professionnel. Ces jeux « d’entrainement visuel » sont disponibles dans le commerce ou en téléchargement gratuit parfois. En cas de plainte d’ordre visuel, il faut impérativement consulter un ophtalmologiste ou un orthoptiste et lui demander son avis sur l’efficacité du jeu.
Conseils
- Limiter le temps d’exposition aux jeux vidéo (et aux écrans de façon générale)
- Une attention particulière doit être portée sur les enfants de moins de 5 ans car leur fonction visuelle est en plein développement. De manière générale, respecter la règle des 3-6-9-12.
- Pour les petits enfants qui jouent sur tablette, choisir un jeu éducatif qui dure 5 min et le limiter à une ou deux parties.
- Limiter les adolescents à des sessions de jeu continu d’une heure maximum.
- D’une manière générale, éviter l’exposition aux écrans avant de se coucher
- Faire des pauses régulièrement : même courte, une pause toutes les 30 minutes ou toutes les heures est recommandée.
- Consulter un professionnel en cas de plainte visuelle et n’utiliser pas les jeux « d’entrainement visuel » sans recommandation préalable
A propos de Thomas MORATO
Après un baccalauréat scientifique et une année en faculté de biologie, Thomas MORATO rentre dans une école d’orthoptie à Montpellier. Il souhaitait s’orienter vers des études paramédicales parce que ces métiers requièrent à la fois d’avoir des connaissances scientifiques et un sens prononcé pour le contact et les relations. Pour découvrir les différentes professions paramédicales, il effectue plusieurs « stages d’observation » et son choix se porte sur le métier d’orthoptiste.
Aujourd’hui Thomas MORATO exerce son activité en libéral dans la banlieue toulousaine dans un cabinet paramédical aux côtés d’une orthophoniste et d’une psychomotricienne.