En juin 2018, l’Organisation mondiale de la santé (l’OMS) exprimait son intention d’intégrer le « trouble du jeu vidéo » parmi les « troubles de l’addiction »…
… officiellement reconnus dans la onzième édition de la /classification internationale des maladies/ (la CIM-11).
La soixante-douzième Assemblée mondiale de la Santé a officiellement adopté cette CIM-11 en mai 2019, intégrant ainsi le phénomène d’addiction au jeu vidéo parmi les pathologies reconnues par l’OMS.
Le collectif PédaGoJeux en profite pour décrypter le sens de cette évolution et ce que recouvre concrètement le « trouble du jeu vidéo » selon l’OMS. Le collectif rappelle que les parents sont avant tout en demande de clarté et de soutien pour mieux accompagner leurs enfants dans les pratiques de jeu vidéo.
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Après dix ans d’étude et dans l’optique de faire évoluer une précédente version datant de 1990, l’Organisation mondiale de la Santé (l’OMS) présentait le 18 juin dernier la version finale de la onzième édition de sa Classification internationale des maladies (la CIM-11 *). Le document, destiné aux professionnels de santé à travers le monde, vise notamment à établir une référence commune et à jour des traumatismes, maladies et pathologies reconnus, et qui reflètent les progrès de la médecine, les avancées de la science ou l’émergence de nouveaux comportements.
Qu’est-ce que le trouble du jeu vidéo selon l’OMS ?
Parmi les 10 000 propositions de révisions de la CIM-11, le document intègre des chapitres inédits et fait évoluer certaines classifications médicales. Dans le lot, l’OMS précise que le « trouble du jeu vidéo » a été ajouté à la section sur les « troubles de l’addiction ». Concrètement, si l’OMS ne met pas en cause le jeu vidéo en tant qu’objet, l’organisme indique que certaines pratiques compulsives « permanentes ou récurrentes » liées aux jeux vidéo peuvent caractériser un comportement addictif susceptible de donner lieu à un traitement médical. L’OMS retient plusieurs critères visant à définir ce qui relève de ce comportement addictif :
- une altération du contrôle de la pratique vidéo ludique : le joueur peine à réfréner sa pratique du jeu ;
- une priorité accrue accordée au jeu : le joueur sacrifie d’autres activités quotidiennes et centres d’intérêt au profit du jeu ;
- une poursuite de la pratique du jeu malgré des conséquences négatives.
Selon Laurent Karila, Psychiatre addictologue dans l’émission « Le Téléphone Sonne » sur France Inter du 21 juin 2018, il faut bien distinguer perte de contrôle et temps de jeu. Un joueur passionné pourra ainsi consacrer de nombreuses heures à jouer sans pour autant perdre le contrôle.
Pour diagnostiquer un phénomène d’addiction, l’OMS précise que le comportement constaté chez le joueur :
- doit être d’une « sévérité suffisante pour entraîner une détérioration significative des fonctionnements personnels, familiaux, sociaux, éducatifs ou professionnels »
- peut être « continu ou épisodique et récurrent » mais doit être constaté de « façon évidente » sur une période d’au moins douze mois. La durée pourra néanmoins être réduite si « tous les symptômes sont constatés cumulativement de façon sévère ».
L’addiction comportementale versus addiction à la consommation de substances
L’OMS ne vise pas le jeu vidéo comme étant un produit addictogène. Par ailleurs, il n’existe aucun consensus scientifique permettant d’identifier un type de jeux qui serait intrinsèquement addictogène. L’OMS cible donc ici un comportement, c’est-à-dire une pratique pouvant être excessive ou compulsive de la part du joueur. Ce comportement fait généralement écho à un environnement particulier et à un « malaise intérieur », selon la formule du psychiatre Aviel Goodman qui a théorisé le concept d’addiction comportementale.
Le psychiatre Serge Tisseron explique (dans un article du Huffingtonpost.fr publié le 22 juin 2018) :
« Si cette pathologie rentre dans le cadre des addictions, elle ne répond donc pas à la même définition que l’addiction à l’alcool ou au tabac. Il s’agit en effet de ce qu’on appelle une addiction « comportementale ». La différence principale avec les addictions liées aux substances toxiques consiste dans le fait que le buveur doit s’arrêter définitivement de boire et le fumeur de fumer au risque de rechuter, alors que la guérison de l’addiction aux jeux vidéo n’implique pas un sevrage total, mais la capacité de renouer avec un usage modéré considéré comme normal. Il est bien évident que l’usage du même mot « addiction » pour deux pathologies aussi différentes ne va pas manquer d’entraîner beaucoup de confusions… ».
Une minorité de joueurs concernés
L’OMS rappelle par ailleurs que le trouble du jeu vidéo ne touche qu’une « petite minorité » de joueurs et son porte-parole souligne que « nous ne disons pas que toute habitude de jouer aux jeux vidéo est pathologique ». Et pour cause, le jeu vidéo est aujourd’hui un loisir grand public – 53 % des Français se définissent comme joueurs – pratiqué sereinement par une majorité d’utilisateurs, en plus d’être utilisé à des fins pédagogiques, éducatives ou encore thérapeutiques.
L’annonce de l’OMS est l’occasion pour le collectif PédaGoJeux de réaffirmer que la meilleure prévention au sein de la famille reste l’accompagnement et l’encadrement par les parents des pratiques vidéoludiques de leurs enfants.
Depuis près de 10 ans, à travers son action, PédaGoJeux met à disposition des parents et des éducateurs, des ressources et des conseils pratiques afin de mieux comprendre l’univers du jeu vidéo et de mieux encadrer son usage au sein des familles.